Décryptage 03/05/2022

Les licornes sont-elles vouées à l’échec ?

Par Nina Boussalem

Une ambition démesurée, des levées de fonds à tour de bras, une grande valorisation économique, mais pas de rentabilité à l’horizon ? 

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Une ambition démesurée, des levées de fonds à tour de bras, une grande valorisation économique, mais pas de rentabilité à l’horizon ? 

Les licornes françaises font parler d’elles, mais une majeure partie de la population reste peu, voire pas familière avec leur définition. 

Les li-quoi ? Quesaco ? Depuis quand il y a des licornes en France ? 

Les licornes c’est quoi ?

Avec l’apparition des licornes, les start-ups françaises ont le vent en poupe. Elles représentent un enjeu économique stratégique pour le pays qui a décidé d’investir massivement dans la French Tech. Digitalisation, intelligence artificielle et nouvelles technologies : notre président a décidé que la France serait de la partie ! 

Pour les moins informés sur le sujet, les licornes, c’est un peu comme des super start-ups. Des entreprises innovantes dans le secteur de la tech qui connaissent un développement massif, sont non-côtées en bourse et valorisées à plus d’1 milliard d’euros. De très très grandes start-ups qui, levée de fonds après levée de fonds, connaissent un développement gargantuesque, et souvent, en un temps record. 

Avec un grand soutien des start-ups dans le milieu de la tech, l’Etat a fortement incité les créations d’entreprises innovantes. Nombreux sont les dispositifs d’aide pour ces nouveaux acteurs qui attirent désormais de très gros investisseurs étrangers. N’hésitant plus à les financer avec des centaines de millions d’euros, l’objectif pour ces promoteurs est de miser sur la bonne start-up. Vous connaissez l’adage boursier, les grosses lignes font les gros gains. Et bien avec les licornes, encore plus ! 

Pourquoi les licornes ? 

Avec un niveau de croissance inédit, d’où viennent ces licornes ? Ces super start-ups ne sont pas arrivées par hasard. Si elles existent, c’est grâce à un environnement opportun, permis par l’Etat et les marchés financiers. 

Une ambition nationale

Depuis son premier mandat, en mettant l’accent sur le domaine de la tech, Emmanuel Macron s’inscrit dans la mouvance de ses prédécesseurs. Dès 2014, la French Tech est arrivée avec un objectif clair : faire briller les start-ups françaises de l’innovation numérique. Ce réseau de start-ups françaises, d’investisseurs et de community builders permet de créer un écosystème favorable au développement des nouvelles technologies et des innovations tech. La station F à Paris fait partie de ces nombreux points de rendez-vous français. 

Pourquoi cette ambition ? 

L’objectif est que la France puisse garder son pouvoir de décision sur les domaines les plus stratégiques. Ceux qui prendront une place prédominante dans la prochaine décennie. Pour que la nation garde son rôle de superpuissance, son biotope tech est l’un des plus décisifs. 

Quel objectif ? 

Hormis la “bataille pour la souveraineté” (Macron, 2019), la multiplication des licornes françaises a plusieurs autres objectifs. 

Ces super start-ups permettront de retenir nos talents, notamment les ingénieurs qui ont tendance à s’expatrier dans des pays où les perspectives d’emploi sont plus attrayantes grâce au développement plus avancé de la tech. La volonté de notre président réélu est de créer un environnement très propice aux start-ups afin qu’elles se développent et puissent rayonner dans notre pays. 

Aussi, nombre de licornes multiplient leur effectif par 700 en seulement une année. Elles pourraient être un élément de réponse au problème du chômage. Grâce à ces entreprises, une belle augmentation du patrimoine industriel français est aussi à la clé. De quoi rattraper le retard du pays dans le milieu de la tech. 

Mais pas seulement. Si elles se multiplient, c’est pour une raison. 

Un environnement opportun 

Si ces start-ups se développent tant, c’est grâce à un grand soutien financier de la part de l’Etat, mais aussi du milieu financier. 

Le gouvernement a diminué considérablement les frais et autres impositions des entreprises. Parallèlement, il a appuyé le milieu de la Tech en intégrant nombre d’aides financières pour les entreprises innovantes. De quoi pousser les entrepreneurs à faire marcher leurs méninges pour une cause précise : celle de la tech ! 

Mais les licornes n’ont pas pour ambition de mener la danse seules. Avec leur surmédiatisation, elles seraient un peu les têtes de pont, donnant l’exemple à tout l’écosystème de la French Tech. 

D’autre part, la décision de pousser ces entreprises n’a pas lieu qu’au niveau gouvernemental. Avec des prêts à taux très bas, les banques centrales, elles aussi, suivent le mouvement. Depuis 2016, leurs politiques monétaires accommodantes favorisent grandement l’augmentation des investissements en France. 

Les investisseurs ont donc pris le pas et se sont mis dans cette démarche de plus gros. Avec des entreprises à hyper croissance, les gains peuvent être gigantesques. Nous l’avons dit plus haut, à gros risque, gros gain. On comprend vite pourquoi les licornes plaisent tant aux investisseurs.

On voit donc avec ces nouvelles organisations que les ambitions entrepreneuriales se sont intensifiées. Il y a 20 ans, les entreprises cherchaient déjà à se développer, mais pas à la même échelle, ni au même rythme. Pour les licornes, ce sont les marchés financiers et le gouvernement qui ont mis en route la machine. Une fois enclenchée, les premières entreprises se sont développées, cela a attiré l'œil des investisseurs qui ont misé de plus en plus gros et ainsi de suite, jusqu’à créer plusieurs dizaines de licornes françaises. 

Qui ne voudrait pas être une licorne ? 

On dirait qu’il fait très bon vivre pour les licornes. Mais quelques précisions permettront de nuancer leur situation, d’apparence prospère

Être une licorne n’est-il pas un accomplissement en soi ? 

A cette question, nous répondrons, ça dépend pour qui. Beaucoup d’entrepreneurs affirment ne pas vouloir être une licorne. 

Une surmédiatisation qui a ses mauvais côtés

Les licornes sont de plus en plus jeunes. La première à mis presque 20 ans à le devenir. Désormais, les plus récentes ont tout juste 2 ans. De quoi donner le tournis. On en entend parler partout, un peu comme les stars sont le sujet principal des magazines people, les licornes sont devenues les têtes d’affiche des actualités économiques. Si une entreprise n’est pas valorisée à 1 milliard dans ses premières années, cela peut laisser le goût amer d’une défaite. Et pourtant…

Lorsque les super start-ups prennent toute la place dans l’actualité, difficile d’entendre parler des autres 99,99% de l’entrepreneuriat français, qui participe, lui aussi fortement à l’économie. Attention à ne pas sous-estimer les entrepreneurs ordinaires qui créent une grande part de l’emploi

La croissance avant la réussite

Les licornes vont détester les statistiques… 

Il est assez aisé d’affirmer que très rares sont les licornes rentables. Elles misent tout sur le développement. Prenons l’exemple de Uber. Malgré son succès planétaire, pour l’entreprise de VTC la plus connue, même après plusieurs années, la rentabilité n’est toujours pas au rendez-vous.

Nombre d’études montrent que plus de croissance ne signifie pas plus de réussite. On voit même l’effet inverse se dessiner. Les entreprises qui cumulent croissance et réussite sur l’année N, sont en général celles qui ont misé sur la rentabilité sur l’année N-1, et non sur la croissance. Par suite, beaucoup de croissance n’implique pas forcément beaucoup de succès. On observe même une sorte de dépendance à la stratégie choisie initialement. 

Les licornes sont-elles vouées à croître sans jamais être rentables ? 

Pour près de 40% des PME européennes, mettre la croissance avant la rentabilité mène droit vers l’échec. Mais le business model des licornes n’est pas tout à fait occidental. L’objectif a été de suivre l’exemple américain, plus précisément celui de la Silicon Valley. 

Ces études, menées auprès de PME et sur un modèle de développement qui n’est pas le même, ne permettent donc pas d’affirmer le destin de ces entreprises. Elles connaissent un grand succès et leur forte médiatisation pourrait aussi les aider à aller vers la réussite. Si leur succès est présent, c’est parce qu'elles ont su répondre de manière innovante à un besoin existant. Leur modèle inédit ne permet donc pas d’affirmer qu’elles suivront les tendances générales. Observons ce nouveau schéma entrepreneurial se dessiner sous nos yeux, tout en gardant nos apprentissages dans un coin de la tête.

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